Principes de bases et réalité
On le sait : la physiologie des femmes est différente de celle des hommes. Alors, question : quels sont les impacts de ces différences sur la pratique sportive féminine ? Amandine Le Cornec, entraîneur et membre de l’AEIFA fait le bilan d’un colloque qui s’est tenu en novembre 2011 à l’INSEP.
Rappels de physiologie
Schématiquement, le cycle menstruel se compose d’une phase pré ovulatoire où l’œstrogène domine et d’une phase post ovulatoire où la progestérone domine.
Dès le premier jour des règles qui marque le début du cycle, l’œstrogène d’abord puis la progestérone vont modifier la muqueuse utérine. L’épaisseur de cette muqueuse résulte de l’effet de l’estrogène, ce qui explique que l’abondance des règles diminue quand la production ovarienne d’estrogène diminue.
Les troubles des cycles pourront influencer le « cycle » sportif des athlètes féminines. Toute la physiologie féminine repose sur cet équilibre entre l’œstrogène et la progestérone qui agissent de façon synergique ou antagoniste.
Par exemple, une diminution de la progestérone en fin de cycle (1er trouble du cycle pouvant survenir chez une sportive), va entraîner ballonnement, syndrome de « rétention d’eau » avec prise de poids pré menstruel. En effet, l’œstrogène favorise cette rétention d’eau (il stimule le système rénine-angiotensine-aldostérone), et dans ce cas de figure, cet effet de l’œstrogène n’est plus compensé par la progestérone.
La progestérone et l’œstrogène sont sécrétés par les ovaires, de façon cyclique, sous la dépendance d’hormones hypophysaires (FSH et LH) dont les sécrétions répondent aux sécrétions pulsatiles de GNRH par l’hypothalamus.
Les cycles féminins sont contrôlés principalement par la balance énergétique : quand la dépense d’énergie est grande et que les apports ne peuvent pas la compenser, l’organisme puise dans les réserves énergétiques avec une diminution de la masse grasse corrélée à une diminution du taux de leptine, hormone de la cellule adipeuse (les graisses sont un réservoir d’hormones). La leptine est une hormone qui a des récepteurs ubiquitaires, entre autres sur l’hypothalamus, l’hypophyse et les ovaires.
- Les rôles des œstrogènes
Des récepteurs aux œstrogènes sont présents sur de nombreux organes :
- La peau : rôle anti-rides.
- Les organes de la reproduction.
- La muqueuse vaginale.
- Le cerveau : rôle sur la cognition et la mémorisation.
- L’os : rôle sur la densité osseuse. Les œstrogènes stimulent la formation osseuse. Un manque de production d’estrogènes peut provoquer une déminéralisation.
- Le système vasculaire.
- Le tissu adipeux (stimule la lipoprotéine lipase, et la libération des Acides Gras Libres).
On retrouve aussi des récepteurs aux œstrogènes sur le muscle.
- Différences homme/femme et endurance
Le match lipide – glycogène musculaire :
- Etude de Tamopolski – 6 hommes et 6 hemmes faisant 15km sur tapis à 65% de VO2max
Les hommes utilisent leur glycogène musculaire de façon plus importante que les femmes qui utilisent de façon privilégiée la source d’énergie que représentent les lipides. - Etude de Venableset Jeukendrup (2005) – 157 hommes et 143 femmes pratiquant des exercices d’intensité croissante
L’oxydation des glucides est plus tardive, pour des exercices d’intensité plus grande chez les femmes, l’oxydation des lipides est la source d’énergie la plus rapidement mobilisée chez la femme (lipides musculaires, lipides du tissu adipeux).
En résumé : les femmes ont plus de fibres de type I (oxydation des lipides musculaires favorisée) que de type II.
Elles épargnent le glycogène musculaire plus longtemps du fait de la présence des lipides. Donc en endurance, il est possible de considérer que les femmes ont un métabolisme favorable car elles utilisent le glycogène plus tardivement que les hommes. Il est intéressant de noter qu’une durée de 7 semaines d’entraînement aérobie augmente les récepteurs aux estrogènes au niveau musculaire, le rôle des estrogènes sur la cellule musculaire peut être lié à l’effet sur la vasodilatation (nombreux capillaires), l’oxydation des lipides musculaires, la diminution du fond inflammatoire (IL6, TNF).
L’endurance a-t-elle un impact sur la physiologie féminine ?
La réponse est oui, mais seulement si la balance énergétique est négative, c’est-à-dire si la Masse Grasse est trop faible et si la femme n’a pas assez d’apports énergétiques. Cela entraîne un ralentissement du système hypothalamo hypophysaire, donc une diminution de progestérone, puis une diminution des œstrogènes et ainsi une diminution des règles et … un manque d’estrogènes sur les récepteurs os et muscle.
Plus le déficit énergétique est important, plus il y a risque d’être en aménorrhée car l’organisme met le métabolisme ovarien au repos pour apporter de l’énergie aux organes vitaux (cerveau, cœur) et aux muscles en activité.
Quelques définitions des troubles du cycle
- Cycles courts ≤ 25 jours, accompagné souvent de syndrome prémenstruel
- Cycles longs > 35 jours, appelé spanioménorrhée avec oligoménorrhée, ce qui signifie des règles peu abondantes.
- L’aménorrhée : absence de règles. A chaque stade, des cycles anovulatoires peuvent se produire.
Cycle et performance
Pendant les cycles spontanés réguliers, il n’y a pas de variation de la performance : pas de différence significative de VO2max, pas de variation de la force musculaire.
Pendant la prise de contraceptif, la diminution de la VO2 max serait plutôt associée à l’augmentation du poids qui pouvait être observée avec certaines pilules, mais actuellement il n’y a pas de relation nette entre la prise de poids et les contraceptifs.
- Quelques chiffres en athlétisme
Ces chiffres sont issus de l’étude sur les cycles portant sur 400 sportives dont 74 pratiquant l’athlétisme (Entretiens de l’INSEP 2008-2009)
- 47% ont des cycles longs, 6 % sont en aménorrhée.
- 83% des sportives de haut niveau subissent le syndrome prémenstruel (irritabilité, perte d’énergie, fatigue, prise de poids, etc) et 27% ressentent une gêne à leur performance surtout liée à la fatigue pré menstruelle.
- 72% des filles en athlétisme note une dysménorrhée, et pour 15% elle est forte (plus de 7 sur échelle analogique).
- 17% manquent l’entraînement du fait du syndrome pré menstruel.
On appelle dysménorrhée, la douleur de règles. Les règles provoquent de « vraies douleurs » rarement isolées, incompatibles avec la concentration et la « bonne » gestion émotionnelle. La prise en charge de ces douleurs est souvent tardive (33% des sportives interrogées disent accepter leurs règles et 31% nécessitent un traitement médical).
Les entraîneurs et/ou les athlètes pensent souvent que l’absence des règles est pratique du fait de l’absence de symptômes prémenstruels, de l’absence de douleurs… Mais ce n’est pas aussi simple. Cela peut en effet engendrer des fractures de fatigue, du fait de la baisse prolongée des œstrogènes. Le risque de déminéralisation osseuse, lié à la baisse des estrogènes, même s’il est au début compensé par les impacts au sol, est inéluctable. Et ce que la sportive soit en aménorrhée depuis 6 mois à 1 an ou qu’elle ait des cycles peu fréquents. Nous nous trouvons alors face à un risque de contre-performance…
La prise en charge serait d’apporter un apport énergétique suffisant donc attention à la restriction lipidique trop sévère. Le seuil de masse grasse des femmes ne doit pas être inférieur à 15-18%.
Attention, ne pas avoir de règles, quand c’est « contrôlé » par la pilule par exemple, n’a pas la même signification qu’une absence de règles spontanées ou des règles par intermittence. En résumé, les troubles du cycle doivent être pris en charge.
- La place de la contraception hormonale – réalité sportive
Les motifs de contraception chez la sportive sont variés : effet contraceptif recherché, bien sûr, mais aussi régularisation des règles ou diminution de la dysménorrhée.
Voici quelques chiffres récoltés grâce à un questionnaire donné à 50 sportives lors des Jeux Méditerranéens :
- 69% notent une perte d’énergie prémenstruelle.
- 80% craignent leurs règles.
- 59% dénoncent l’imprévisibilité de leurs règles.
Autant d’indications qui incitent à prendre en charge les troubles ou les symptômes liés au cycle.
- Sport et infertilité
La question est souvent posée par les sportives.
Les femmes en aménorrhée de 25-35 ans qui pratiquent une activité physique intense multiplient par 1,5 le facteur pour l’infertilité. Mais l’infertilité physique intense est réversible.
Il n’existe pas de différence significative de parité (nombre d’enfants vivants mis au monde par une femme) entre les groupes selon l’activité physique mais une tendance à une parité plus élevée chez les femmes ayant pratiqué une activité physique intense.
- Endurance après 40 ans
La masse musculaire diminue en fonction de l’âge après 45 ans : moins de 6 % tous les 10ans. La diminution de la masse osseuse avec la diminution de production des estrogènes est connue.
Les recommandations sont une activité physique de 30 minutes 5 fois par semaine d’activité modérée ou plus intense trois fois par semaine, associée à des exercices de renforcements musculaires, 2 fois par semaine sans négliger les étirements. Les sports à impact et changements de direction sont préférables pour imposer des contraintes aux lignes de forces et stimuler l’ostéogénèse.
Compte-rendu réalisé à partir des données de Carole Maitre, médecin du sport, gynécologue à l’INSEP, lors du colloque « L’athlétisme au féminin », le 19 novembre 2011 à l’INSEP.
Amandine LE CORNEC-BOUTINEAU
Entraîneur diplômé FFA
Titulaire d’un Master 2 Recherche et Professionnel
« Ingénierie de l’entraînement »
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