LES DOULEURS NON LESIONNELLES par Denis Riché (deuxième partie)

DES ERREURS A LA PELLE :
Passons en revue les erreurs les plus courantes qui, soit isolément, soit le plus souvent combinées, finissent par favoriser ce phénomène douloureux :
– pas de boisson énergétique à l’entraînement :

80% des coureurs ne boivent jamais à l’entraînement. Si la question porte plus particulièrement sur l’usage des boissons énergétiques, le score relevé est encore plus faible. Or, on ne le répètera jamais assez, cette tempérance exagérée est très défavorable. Ce refus de boire peut paraître cohérent lorsqu’on court l’hiver, à un rythme peu intense, qu’on n’a pas soif ni sué. Beaucoup moins en ambiance tempérée ou dans le chaud, où le minimum vital de 500 ml par heure n’est absorbé que par un faible pourcentage de bipèdes.

Or cette absence d’apport énergétique présente au moins deux conséquences défavorables. D’abord, en temps normal, l’eau entre dans l’organisme plus rapidement et plus efficacement en présence de sucre. De ce fait, la redistribution sanguine survenant à l’effort et les pertes occasionnées au niveau de la sueur ou de la respiration créent un état de déshydratation chronique, qui provoque une fragilité de la muqueuse intestinale. Ensuite, l’absence d’apport énergétique favorise l’inflammation et la mort cellulaire. Par conséquent, la perméabilité de l’intestin se trouve accrue. Dans certaines situations, l’adjonction simple de glucides ne suffit pas ; certains peptides peuvent être nécessaires pour assurer l’apport de nutriments indispensables au bon fonctionnement de l’intestin et du système immunitaire. C’est en ce sens que la boisson « hyprosport » a été développée, non pas à l’attention de l’ensemble des sportifs, mais plutôt de ceux qui présentent régulièrement une vulnérabilité digestive, infectieuse, musculaire ou tendineuse. Quoiqu’il en soit, utilisez a minima de manière quasi systématique une boisson énergétique lors de chaque séance.

–          non-respect du délai de digestion :

Attendre moins de deux heures entre la fin d’un repas et le début d’un footing ou moins de trois entre la dernière prise alimentaire et une séance intense, lactique, au seuil ou orientée VMA ou une compétition va indéniablement créer une situation défavorable.

Il va exister un conflit circulatoire entre muscles et organes digestifs, et l’arrêt temporaire des processus digestifs va laisser dans les viscères des fragments d’aliments qui vont alors pouvoir léser la muqueuse, et finir par créer une inflammation locale, préalable à une augmentation de la perméabilité. Il va aussi survenir des fermentations qui modifient l’équilibre de la flore et finissent par fragiliser l’ensemble de l’écosystème.

–          pas d’entraînement croisé (notamment pour toutes les disciplines à base de course) :

L’intestin subit moins d’atteinte quand on pédale, du fait de l’absence d’ondes de choc, celles-ci jouant un rôle aggravant, comme on l’a vu ci-dessus. J’ai noté que les douleurs chroniques « non  lésionnelles » concernaient beaucoup plus de coureurs « monomaniaques » que d’adeptes de l’entraînement croisé, qui laissent à leur intestin une chance de mieux cicatriser entre deux séances consécutives de course.

Intégrez davantage de vélo, de natation, de roller, de ski de fond, de stepper pour vous protéger. Et optimisez l’accompagnement des séances longues ou intenses effectuées en courant, pour en minimiser l’impact négatif sur vos intestins.

–          pas de coupure dans la saison et trop de compétitions rapprochées :

Courir en non-stop douze mois sur douze multiplie les événements traumatisants pour l’intestin et élimine la possibilité de régénérer et cicatriser convenablement. Une coupure obligée et imposée surviendra en général, plus longuement, après ce choix désastreux, pour cause de blessure. Celle-ci, souvent, posera problème au moment d’établir le diagnostic !

–          trop peu de fruits et légumes :

Contre l’inflammation excessive et la production exagérée de radicaux libres, qui agressent l’intestin et l’ensemble des tissus en cours d’inflammation, l’organisme dispose, en théorie, de moyens de défense connus sous le nom d’anti-oxydants. Les molécules en jeu sont, pour la plupart, tirées du règne végétal, et plus particulièrement des fruits et des légumes. A minima, cinq vraies portions quotidiennes de fruits et légumes sont nécessaires pour se donner la chance de se protéger à peu près correctement.

Une portion peut correspondre à un bol de sauce tomate sur les pâtes, aux champignons en boîte qu’on ajoute à l’omelette, à un bol de soupe en tétrabrik, à une coupelle de salade fruits en boîte, idées à suggérer à tous ceux qui n’ont pas le temps ni le goût à en avaler le quota requis en toute saison. 90% des coureurs n’arrivent pas à ces cinq portions journalières minimales. La moyenne, chez les sujets chroniquement blessés, tourne autour de 14 portions par semaine !  Si tout ne se résume pas, dans l’affaire, à cet ostracisme anti-vert, c’est incontestablement un facteur aggravant.

–          pas d’huile de colza, trop peu de poissons gras :

Comme on l’a déjà souligné dans ces colonnes, ces aliments délivrent une famille de graisses très importante, celle des « oméga 3 ». En quoi leur présence à un taux satisfaisant compte-t-elle autant ? Car c’est à partir d’elles qu’on fabrique des molécules dotées d’effets anti-inflammatoires, à l’inverse des représentantes de la famille « oméga 6 », surnuméraires dans notre ration, et propices à l’expression d’une tendance pro-inflammatoire chronique.

Que ce soit sur la base d’enquêtes alimentaires ou de données biologiques beaucoup plus parlantes, on dresse toujours le même constat. Le déficit en « oméga 3 » concerne 9 coureurs sur 10. Pour y pallier, l’ingestion quotidienne de trois cuillerées à soupe d’huiles (pour moitié olive et colza), de deux portions de poisson bleu, et d’un peu de beurre, de fromage, de noix, noisettes ou amandes ou d’avocat va permettre à votre corps d’arrêter l’inflammation au bon moment. Ces choix, répétons-le, ne conduisent pas à une prise de masse grasse. Je redoute cependant de devoir le répéter encore pendant de longues années… en vain !

–          trop de laitages : 

Certaines protéines, ou certains fragments de protéines, dans le contexte de l’hyperperméabilité intestinale, se retrouvent dans le sang et participent à la genèse de ces manifestations douloureuses chroniques non lésionnelles. De  tous les aliments testés, les laitages animaux reviennent assez régulièrement parmi ceux qui déclenchent une réponse immunitaire et inflammatoire « aberrante ».

Ceci implique que, chez les sujets dont l’intestin souffre d’une perméabilité excessive, l’éviction temporaire de ces aliments sera souvent nécessaire, le temps d’agir sur la restauration de l’étanchéité de l’intestin (notamment à l’aide de « probiotiques », bactéries vivantes apportées en quantité suffisante pour restaurer l’équilibre de la flore).

Ce qui est en jeu, ici, ce n’est pas les laitages, mais la réponse aberrante aux laitages. En quelque sorte, il va s’agir de reformater le disque dur et de restaurer une tolérance à peu près normale. Ce problème de réponse adverse aux produits laitiers s’observe plus particulièrement chez ceux qui en ingèrent plus de trois portions par jour. Ce qui pose problème ce n’est pas, dans l’absolu, d’en consommer autant. C’est de faire le constat d’un tel niveau de consommation dans un contexte de perméabilité intestinale.

En outre, cette forme d’assuétude est évocatrice, dans le sens où il a été constaté que certains peptides issus de la dégradation incomplète de certaines protéines laitières donnent naissance à des analogues des opiacés qui, dans notre cerveau, créent une sorte de dépendance pour les laitages. En quelque sorte, dans ce contexte, la surconsommation de laitages revêt une valeur presque diagnostique. Une fois le problème digestif et articulaire (ou musculo-tendineux) réglé, il sera possible de revenir à un niveau de consommation de laitages modéré.

PRINCIPAUX DOCUMENTS CONSULTES :
– DUEE T, QUIN M & J (2006) : « L’approche micronutritionnelle dans la prise en charge des tendinopathies », Mémoire pour l’obtention du D.I.U : « Alimentation-santé et micronutrition », Faculté de Dijon.
– CROQUEVIEILLE F, REGNIER-GOUSSIN F (2006) : « La fibromyalgie à la lumière de la micronutrution »- Mémoire pour l’obtention du D.I.U : « Alimentation-santé et micronutrition », Faculté de Dijon.
– RICHE D (2003) : « Hyperperméabilité intestinale chez le sportif : Mécanismes, conséquences et prise en charge nutritionnelle », Mémoire pour l’obtention du D.I.U : « Alimentation-santé et micronutrition », Faculté de Dijon.
– SOMASUNDARAM S, HAYLLAR H & Coll (1995) : The biochemical basis of non-steroidal anti-inflammatory drug-induced damage to the gastrointestinal tract : a review and a hypothesis. Scand.J.Gastroenterol., 30 : 289-99.
– OKTEDALEN O, LUNDE OC & Coll (1992) : Changes in the gastrointestinal mucosa after long-distance running. Scand.J.Gastroenterol., 27 : 270-4.
– CHOS D, RICHE D( 2005) : Apports de sécurité en lipides chez des sportifs à haut niveau d’entraînement. Science & Sports, 20 : 74-82.

 

Portrait Denis Riche 4

Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition

 

 

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