LA RÉHABILITATION « PSYCHOLOGIQUE » DE LA BLESSURE – Extrait du mémoire de master 2 professionnel « Ingénierie de l’entraînement » à Bordeaux II d’Amandine LE CORNEC

La blessure est un phénomène à ne pas négliger car elle peut provoquer diverses réactions émotionnelles néfastes pour le sportif blessé. Afin d’aider le sportif blessé à faire face à la blessure, plusieurs stratégies d’ordre psychologique sont mises à sa disposition lors de sa convalescence : le maintien d’activités physiques adaptées, la pratique de techniques d’entraînement mental (la répétition mentale, le contrôle de l’activation, l’entraînement de la concentration et la fixation d’objectifs) pour permettre à l’athlète de maintenir ou d’augmenter ses performances lors de la reprise d’entraînement, ainsi que le développement de loisirs extra sportifs (cinéma, sortie avec les amis…). Ces différents moyens ont pour but d’accélérer voire d’améliorer sa réhabilitation en préservant ses composantes physiques et mentales.

Pole vaulter. .

En termes d’imagerie mentale, il existe l’imagerie de guérison (i.e., on voit et on sent guérir la partie blessée), l’imagerie de kinesthésie (i.e., on voit des images des traitements de physiothérapie ainsi que leurs effets), et l’imagerie de récupération (i.e., on se voit avoir totalement récupéré en se projetant dans l’activité physique et dans ses nouvelles performances). Maurice Houvion (entraîneur du saut à la perche) a mis en application l’imagerie mentale avec un athlète blessé. Ce type de travail a été positif. Mais, il décrit que « c’est pas facile et c’est très fatigant, mais il le faisait très sérieusement et il arrivait qu’il soit en nage… et quand il a repris, il n’avait pas perdu techniquement. Il était dans le coup. Cela avait bien marché. » (Debois, 2005, p 35).

La répétition mentale est recommandée dans le processus de rééducation comme dispositif de coping employant l’imagerie mentale. L’athlète s’imagine faire face à un problème personnel lié à la blessure (tel que la peur de perdre son niveau), puis la transforme en image positive (Cox, 2005).

La répétition mentale génère des contractions isométriques maximales induisant une nette amélioration de la force musculaire du membre impliqué et du membre collatéral, en l’absence contrôlée de toute contraction musculaire (Thill, 1998). Par exemple, pour une blessure au poignet, on a pu noter une augmentation de la force musculaire de 22% suite à la répétition mentale, de 29% en cas d’exercices réels et de 3,8% seulement en l’absence d’exercices (Yue & Cole, 1992).

En parallèle, différents facteurs sont susceptibles d’intervenir pour améliorer l’adhésion du blessé au programme de rééducation, engendrant à terme une meilleure réhabilitation physique et psychologique (Cox, 2005). L’adhésion au processus de rééducation peut non seulement accélérer la réhabilitation physique et psychologique du blessé, mais elle peut aussi lui apporter des bienfaits positifs.  On note en premier lieu les facteurs personnels liés à l’adhésion : la tolérance à la douleur, la confiance, l’affirmation de soi, ainsi que l’indépendance. Les sportifs qui possèdent ces qualités adhèrent volontiers au programme de rééducation. En second lieu, on note que l’adhésion est maximale lorsque les facteurs situationnels rentrent en compte : la croyance en l’efficacité du traitement, le confort de l’environnement dans lequel se passe la rééducation, la pertinence du calendrier de rééducation (programme bien conçu et programmé), les efforts déployés par les sportifs dans la rééducation (grande volonté, motivation) et enfin le soutien social envers le programme de rééducation.

Par ailleurs, May et al. (1995) décrivent six principes généraux pour la réhabilitation psychologique :
–    (1) détecter précocement les symptômes physiques et émotionnels pour mieux ajuster le programme psychologique,
–    (2) agir rapidement car une fois les symptômes installés il est plus difficile d’y remédier,
–    (3) établir une relation positive (e.g., être empathique, écouter avec attention, tenter de résoudre les problèmes de l’athlète),
–    (4) continuer les soins puisque le blessé passe par différents stades de comportements,
–    (5) apporter une petite quantité d’informations spécifiques et adéquates : ainsi il sera plus apte à comprendre et cela aura une plus grande probabilité d’avoir un impact positif, et
–    (6) fournir un soutien social.

En effet, suite aux différentes réactions que peut engendrer la blessure (sentiment de solitude, de frustration, baisse d’estime de soi et de confiance en soi), le soutien relationnel peut jouer un rôle très important (famille, entraîneur, équipe médicale…) Ryde (1977) affirme que la plupart des symptômes physiques observés après la blessure sont accentués par les facteurs psychologiques. Il suggère de traiter ces derniers pour améliorer la réhabilitation, et souligne le rôle social important de l’équipe médicale. Celle-ci doit expliquer le traitement et le processus de guérison au sportif. On peut aussi noter la relation intime qui existe entre le sportif et le kinésithérapeute.

Effectivement, ce dernier tient un rôle de confident pour le blessé et d’interlocuteur de la mémoire de la douleur. « La blessure est un signal qui dit « stop » au corps en première loge pour observer la limite de l’adaptation sensorimotrice à l’effort » (Carrier, 2002, p 275).

En parallèle au soutien social, pour se rétablir, un athlète ressent le besoin de se fixer des objectifs : savoir ce qu’il a, connaître sa date de reprise… C’est pourquoi, l’équipe médicale doit être apte à lui fournir ces informations s’il les demande. Cette date de reprise lui donne un objectif qui peut lui permettre d’accroître sa motivation pour faire son traitement. D’autre part, certains athlètes blessés peuvent se  rétablir plus vite en se fixant d’autres objectifs tels que des dates de compétitions, faire un plus grand nombre de séries en rééducation, ou encore battre à chaque reprise son record (Cox, 2005). L’étude de Ievleva et Orlick (1991) sur les blessures du second degré au genou et à la cheville démontre que les athlètes qui guérissent plus vite sont ceux qui utilisent la fixation d’objectif, le monologue positif, et à un degré moindre l’imagerie mentale. En effet, l’établissement des buts quotidiens lors de la convalescence permet aux sportifs blessés de s’engager directement dans leur processus de guérison. Par conséquent, en énonçant leurs propres attentes et leurs stratégies dans leur programme de rééducation, ils guérissent plus rapidement (Ievleva et Orlick, 1991).

Dans le cas des sportifs qui prennent à cœur leurs entraînements en vue des compétions, le maintien d’une activité physique peut jouer un rôle sur le mental de l’athlète et lutter contre la baisse d’estime de soi du blessé (May et al., 1995).. Un athlète ne pouvant plus courir peut continuer à se dépenser par la natation ou le vélo. Etant donné qu’il aura l’impression de continuer à entretenir ses capacités physiques, il sera rassuré, puisqu’une de ses principales craintes est de perdre son niveau (et/ou d’être remplacé dans l’équipe).

Ces stratégies décrites ci-dessus peuvent aussi être renforcées par l’intervention d’un spécialiste en psychologie qui a pour but de faire prendre conscience au sportif des changements s’opérant en lui lors de la blessure, en l’aidant à ressentir et à exprimer les sensations et les émotions rencontrées au cours de sa convalescence. Mais en amont de cette intervention, il est crucial de connaître l’athlète pour lui permettre de récupérer avec succès.

« Il est plus important de savoir quel type de patient a une maladie que de savoir quel type de maladie a le patient » (Sir William Osler, père de la médecine américaine moderne, 1995, p83). Lors de la période de convalescence, les phénomènes néfastes peuvent s’effacer en laissant place aux bienfaits positifs de la blessure. Suite à la blessure et notamment grâce à ces stratégies,  un sportif peut s’en sortir plus fort tant mentalement que physiquement.

Pour preuve, certaines recherches dont l’étude d’Udry, et al (1997) ont démontré les bénéfices d’une  réhabilitation totale suite à une blessure. 21 skieurs de l’équipe américaine guéris d’une blessure ayant mis fin à leur saison ont été interrogés sur ladite question « cette expérience a-t-elle connu des bénéfices ? ». Sur 21 skieurs, 17 skieurs ont obtenu des bienfaits positifs sur le développement personnel. Ainsi, en prenant du recul et en pratiquant d’autres activités physiques, ils ont vu leur personnalité évoluer et ont appris à mieux gérer leur temps. Par ailleurs, 17 skieurs ont progressé sur le plan mental en augmentant leur auto-efficacité, leur solidité mentale, leur motivation en faisant preuve de plus de réalisme concernant les performances attendues. Enfin, 17 ont obtenu des bienfaits positifs sur le développement physique et technique suite à la rééducation. Ils perçoivent une amélioration de leur santé générale et des progrès techniques au niveau de leur ski.

En résumé, la préparation mentale combinée à la préparation physique est plus efficace pour la réhabilitation qu’en employant une seule pratique (Le Scanff, 2003). Ces deux types de préparation sont aussi utilisés dans une perspective éducative et préventive, afin que l’athlète développe ses ressources pour mieux s’adapter aux contraintes du sport et notamment celui du haut niveau (Le Scanff, 2005).

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Amandine LE CORNEC-BOUTINEAU
Entraîneur diplômé FFA
Titulaire d’un Master 2 Recherche et Professionnel
« Ingénierie de l’entraînement »

 

Crédit photos – Depositphotos

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