LES PIÈGES DES RÉVEILLONS par Denis Riché
La fin d’année est l’occasion de réjouissances fortement teintées d’épicurisme. Repas tardifs, plus copieux, arrosés, nuits écourtées, relâche relative sur le plan de l’entraînement, pratique ponctuelle du ski et de la tartiflette. Comment ne pas trop s’écarter des objectifs printaniers tout en goûtant comme tout le monde aux plaisirs du moment ?
La grosse semaine qui sépare Noël de la St Sylvestre est réputée pour les agapes qui s’y déroulent. Même si celles-ci n’ont plus que rarement le caractère résolument excessif qu’on leur a connu par le passé, elles continuent d’inquiéter bon nombre de trailers. Prenons un peu de recul. D’un côté, à un individu affecté de surpoids, démarrant un régime et soucieux d’arriver plus sûrement à ses fins, on recommande en général de reprendre une activité physique. On lui conseillera ainsi de faire trois fois 40 mn de sport dans la semaine. Et souvent, ce surcroît d’activité s’avère efficace. De l’autre, des athlètes aguerris couvrant en moyenne au moins 40 km par semaine se voient battus d’avance à l’idée d’affronter bûche, marrons, dinde, chocolat et tutti quanti. Cela va-t-il vraiment de soi ? Certes, le poids « idéal » de celui pour qui chaque seconde de plus au km est une entrave, s’accompagne d’une plus grande exigence que chez tel autre qui, parti de 100 kg, souhaite arriver environ à 85 kg. Au bout du compte, le challenge à relever est plus difficile chez le coureur. D’autant que parfois, le poids « idéal » qu’il a en tête n’est pas réaliste.
Mais en fait, cette idée d’un échec programme en porte une autre en elle. De mon point de vue, quelqu’un qui court au moins trois fois par semaine et rencontre des problèmes de poids est forcément confronté à l’une des deux situations suivantes. Soit il existe chez lui un problème de comportement alimentaire, soit une anomalie du métabolisme. Envisageons d’abord le premier cas. L’idée selon laquelle réveillons égalent kilos suggère, chez les sujets qui l’évoquent, une inaptitude à gérer, à se contrôler. Souvent, dans la bouche des bipèdes, revient en ce mois de décembre l’expression « se lâcher ». Qu’entendent-ils vraiment ? Que la poursuite ou la défense de leur poids de forme est une démarche éprouvante, contraignante, voire frustrante, et qu’elle constitue un défi permanent à la volonté ? Les fêtes seraient alors l’occasion de manger comme tout le monde mais, comme chez beaucoup de bouffeurs de single track, sans limite. Le problème ne serait alors plus de manger du chocolat, mais des chocolats, bien trop de chocolats. On peut également donner un autre sens à l’expression « se lâcher ». Peut-être sont-ils naturellement enclins à s’adonner aux joies de l’épicurisme, comptant sur leur implication dans la course pour compenser leurs excès ? En tout cas, le résultat sera le même. Trop souvent, en situation de pléthore et de profusion, le coureur passe facilement du « rien » au « tout ». La pondération, chez certains boulimiques de la course, n’est pas envisageable.
Voici la première raison essentielle pour laquelle surviennent des prises de poids importantes et systématiques au moment de la coupure du Nouvel An.
Voyons l’autre cause, plus subtile et répandue, finalement, au sein du peloton du V1, celle du « virus » dans le disque dur du métabolisme. Quarante pour cent des hommes de plus de 45 ans sont confrontés à une anomalie au nom peu évocateur : le syndrome « polymétabolique » ou encore « syndrome X », qui renforce le côté mystérieux du trouble. Chez les sédentaires, on parle encore de « syndrome du gros ventre ». Chez le coureur à pied, la perturbation s’avère plus discrète, mais elle existe quand même. Dans les faits, il s’agit d’une perte progressive de la sensibilité à l’insuline. Il existe une forte composante génétique à cette anomalie. Elle va peu à peu donner lieu à une tendance accrue à stocker des graisses au niveau viscéral (le « gros ventre » des quadras non sportifs), à voir s’élever la tension artérielle, ou la glycémie à jeun, ou les triglycérides. On rencontrera aussi parfois une baisse du taux du « bon » cholestérol, celui que, précisément, la pratique régulière de la course tend à élever. Ce contexte défavorable s’accompagne d’une difficulté de plus en plus importante à mobiliser et à brûler les graisses, et à l’inverse par une tendance très facile à stocker du gras… même en se surveillant.
Ceux qui courent et en sont affectés ne souffrent pas obligatoirement du handicap d’un ventre à la Guy Carlier. Mais souvent, quand ils vous racontent leur histoire, ils vous apprennent qu’ils ont pris, en moyenne un kilo par an et que, chaque fois qu’ils arrêtent l’entraînement, se blessent, sont malades, ou accumulent plusieurs écarts de table, ils prennent très vite beaucoup de poids, qu’ils ne reperdent jamais complètement. A terme, il leur est plus pénible de courir, ils vont de moins en moins vite et parfois finissent par se dégoûter.
On peut alors concevoir que, chez eux, la période des fêtes constitue véritablement une région à risque du calendrier. Que faire alors ? Il leur serait utile d’adopter un régime « santé » d’inspiration crétoise toute l’année, de façon à contrecarrer une partie des manifestations de ce syndrome. En période de fin d’année, évidemment, ils pourront comme tout un chacun manger du foie gras, de la bûche, de la dinde, des plats en sauce.
Mais à l’inverse de ceux qui, comme moi, ont la chance de posséder un métabolisme très performant, ils devront veiller à ne pas utiliser tous leurs jokers en une fois. L’idée sera de manger un mets plus riche, deux au maximum, au cours de chaque repas. Par exemple, faire cohabiter le foie gras et du poisson, ou de la dinde farcie et des fruits de mer, mais pas dinde et foie gras par exemple. Evoquons deux autres stratagèmes efficaces : Se discipliner afin de ne pas se resservir et faire la guerre aux alcools forts. Et enfin, continuer à bouger. Si la période de Noël est celle choisie pour arrêter de courir, ne restez pas le cul dans le fauteuil entre deux banquets. Aérez-vous, marchez, laissez le plus souvent possible la voiture au garage, et revenez à une hygiène de vie irréprochable le lendemain du réveillon. Quant aux galettes de début d’année, touchez-y une fois ou deux tout au plus, et laissez-les à ceux à qui elle ne fera pas prendre de poids.
Hormis ces deux situations, qui regroupent une forte proportion des coureurs, et pour qui la gestion des réveillons se révèle délicate, il est possible de sortir de cette zone à risque sans avoir forcément fait bouger l’aiguille de la balance vers la droite. « De tout, un peu » sera alors le seul credo.
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
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