Le rôle le plus important des abdominaux est leur action statique de maintien. Il consiste en la contention du caisson abdominal et en la stabilisation du rachis lombaire. Leurs actions dynamiques sont fonctions de la direction des fibres musculaires : les fibres transversales permettent de rentrer le ventre (expiration forcée) ; les fibres verticales participent à la flexion du thorax sur le bassin ou l’inverse et les fibres obliques à la rotation contro-latérale du thorax ou homo-latérale du bassin. De façon plus globale, elles permettent l’expulsion (la miction, la défécation, l’accouchement) et la toux.
Le périnée est constitué d’un ensemble de muscles qui ferment le pelvis à sa partie inférieure. En position debout, ils supportent les organes du petit bassin (vessie, utérus, rectum) et ils forment ainsi le plancher du caisson abdominal manométrique. Leurs rôles sont variés (soutien du petit bassin et maintien de la statique du petit bassin, continence urinaire et anale et rôle dans la sexualité).
Les troubles pelvi-périnéaux sont nombreux et comportent notamment l’incontinence anale ou urinaire, les prolapsus uro-génitaux ou rectaux.
L’incontinence urinaire présente 3 différentes formes cliniques : l’incontinence urinaire d’effort qui se définit comme toute fuite involontaire d’urine, non précédée du besoin d’uriner, à l’occasion d’un effort (toux, rire, éternuement, saut, course, soulèvement de charges…) ou de toute autre activité physique augmentant la pression intra-abdominale, l’incontinence urinaire par impériosité qui se définit comme toute perte involontaire d’urine précédée d’un besoin urgent et irrépressible d’uriner aboutissant à une miction ne pouvant être différée, l’incontinence urinaire mixte qui combine les deux types de symptômes.
L’incontinence urinaire d’effort peut-être liée à différentes causes (perte de l’angle urétro-vésical postérieur, hyper-mobilité vésico-urétrale, insuffisance sphinctérienne urétrale).
Les prolapsus uro-génitaux sont une descente symptomatique d’un ou de plusieurs organes pelviens
Les causes de fragilisation du périnée sont multifactorielles (la grossesse, le traumatisme obstétrical, le surpoids, la ménopause, les activités physiques importantes, la constipation chronique… ). Les forces d’expulsion (détrusor, pression intra-abdominale…) dépassent les forces de retenue (angles, plicature urétro-vésicale, appareil sphinctérien lisse et strié, hamacs musculo-ligamentaire, trophicité de la muqueuse urétrale) ce qui peut fragiliser à terme le périnée.
L’incontinence chez la sportive est de 30 à 38%. La course à pieds étant le sport le plus pourvoyeur d’incontinence avec 38% de sportive incontinente. Le prolapsus a un retentissement direct sur les activités physiques ou sportives chez 27% des femmes.
L’hyperpression intra-abdominale est facteur de risque de la survenue de troubles de la statique pelvienne. Les facteurs responsables de son augmentation sont nombreux (hypertonicité abdominale, sollicitation répétée des abdominaux, efforts violents, brefs, intenses avec des pics de pression itératif, manœuvre de Vasalva, activités à fort impact comme les sauts, la course, musculation avec le soulevé de poids, discipline de lancé de poids…). O’Dell et al en 2007 montre que la pression vaginale est proche de celle de la toux lors du soulèvement de poids en position debout, de saut sur place ou encore du jogging.
La pratique intensive du sport peut en l’absence d’apport alimentaire suffisant être responsable de trouble de cycle ovarien notamment de la chute du taux d’œstrogène occasionnant une perte de tonicité périnéale.
Les abdominaux augmenteraient la pression intra-abdominale notamment leur travail en course interne ainsi que leur contraction en mode concentrique. Enfin les fibres transversales et verticales devraient être celles qui en se contractant créeraient également le plus de pression. Il semble que le transverse de l’abdomen soit le muscle abdominal dont l’activité soit la plus constamment liée à l’évolution de pression intra-abdominale. Or la coactivation du diaphragme et des abdominaux entraîne une augmentation soutenue de la pression intra-abdominale, tandis que l’inspiration et l’expiration sont contrôlées en opposant les activités musculaires du diaphragme et des muscles abdominaux qui font varier la forme de la cavité abdominale sous pression.
La mécanique de la respiration de « repos » est différente entre l’inspiration et l’expiration. Lors de l’inspiration, il y a l’abaissement du diaphragme responsable d’une poussée des viscères vers le bas. En parallèle, la sangle abdominale se relâche et l’abdomen gonfle. Lors de l’expiration, il y a un relâchement des muscles inspirateurs principaux dont le diaphragme qui reprend sa position initiale. A l’effort, l’inspiration est amplifiée et l’expiration devient active et profonde par la contraction musculaire des muscles abdominaux.
La descente du diaphragme pousse les viscères en direction du périnée et ce d’autant plus que la sangle abdominale est hypertonique ou en contraction.
A terme ceci pourrait être un facteur de risque de prolapsus, de fragilisation du périnée voir même d’incontinence.
La prévention des troubles de la statique pelvienne lors de l’activité sportive passe par différents moyens.
Pour les raisons détaillées ci-dessus, il est essentiel d’expirer lors des efforts et d’associer la contraction périnéale lors de l’effort physique. Plus la cage thoracique reste ample lors des exercices d’abdominaux moins la pression devrait s’élevée.
Il faut favoriser l’amorti par l’absorption de l’hyperpression au niveau du point d’impact lors des sauts, de la course. Nygaard et al en 1996 montrait l’existence d’une corrélation entre la diminution de la flexibilité au niveau du pied et l’incontinence urinaire d’effort.
L’entretien régulier d’une bonne musculature périnéale endurante et/ou forte en fonction de la discipline sportive est indispensable.
En post-partum, la reprise de l’activité sportive ne peut être envisagée qu’après une rééducation pelvi-périnéale et abdominale supervisée par un professionnel spécialisé et qui tient compte des attentes de l’athlète. Il ne faut pas omettre également qu’entre 5 et 7 semaines post-partum, le diastasis des muscles grands droits persiste chez près de la moitié des femmes. Une attention toute particulière est alors à apporter à l’hyperpression intra abdominale notamment lors de la pratique des abdominaux si un diastasis existe.
La reprise d’un entraînement modéré progressif s’envisage 1 mois et demi après l’accouchement et 3 à 4 mois pour la reprise d’un entraînement intensif.
On ne peut se passer d’une bonne sangle abdominale ni d’une bonne statique pelvienne. Il faudra alors trouver un bon équilibre entre les deux pour éviter les troubles pelvi-périnéaux. La connaissance des facteurs de risque susceptibles d’augmenter la pression-intra abdominale lors du travail des abdominaux qui ont été cités ci-dessus permet d’adapter les exercices.
Lors de la pratique des exercices d’abdominaux « classiques », on demandera à l’athlète d’expirer lors de l’effort et d’y associer une contraction périnéale. On lui conseillera également de maintenir sa cage thoracique la plus haute possible et la plus ouverte possible tout en réalisant un auto-grandissement durant l’effort physique. L’athlète sera son meilleur « baromètre » car elle seule saura ressentir les poussées viscérales dirigées vers la vulve lors de la pratique des abdominaux.
Nous avons vu que le travail abdominal est source d’augmentation de la pression intra-abdominale par conséquent la majorité des exercices réalisés en pratique courante pourraient être générateur de troubles pelvi-périnéaux : les crunchs, les relevés ou enroulés du buste, les extensions abdominales, les décollés du bassin, les relevés de jambe, les rotations de buste en équilibre, l’exercice du rameur…). Tout ce que nous pratiquons !
Afin de limiter l’augmentation de la pression abdominale, il faudra se forcer à employer et à combiner dans les exercices d’abdominaux le mode de contraction musculaire le plus aisé à mettre en place et le moins néfaste pour le périnée qu’est le mode de travail statique mais aussi le travail musculaire en course externe. Il s’agit de favoriser les exercices de gainages et tous leurs dérivés ainsi que tous les exercices d’abdominaux en statique. Les exercices sollicitant en co-contraction les obliques homo-latéraux sembleraient également être moins délétères pour le périnée.
Aujourd’hui, de nombreuses formations existent afin de proposer un nouveau concept de travail abdominal qui n’augmenterait pas la pression intra-abdominale et favoriserait même le travail du plancher pelvien. Les nombreux formateurs qui revendiquent la paternité de ce concept et l’efficacité de celui-ci ont le mérite d’avoir réfléchis sur le sujet et de continuer à le faire. Néanmoins, aujourd’hui, aucune étude scientifique n’a été publiée dans un journal scientifique sérieux ! Qu’en pensée ?
Tout d’abord il s’agit d’exercices d’abdominaux tout à fait novateurs. Le principe de travail qui expliquerait le travail abdominal en générant le moins de pression possible au niveau de l’abdomen est satisfaisant d’un point de vue intellectuel car logique. En effet, ces exercices combinent l’apnée expiratoire un travail statique des abdominaux et ceci sur une cage thoracique remontée et ouverte au maximum.
Une bonne statique pelvienne chez la femme est indispensable à la pratique sportive. Cependant les activités sportives à fort impact sont génératrices d’hyper pression intra-abdominale. L’athlète féminine est donc exposée aux troubles pelvi-périnéaux. Afin de les prévenir, il est important de connaître les conseils à donner à l’athlète lors de sa pratique sportive.
La diffusion de l’information sur les conséquences de la pratique sportive notamment des abdominaux sur le périnée dans les milieux sportifs doit se développer afin de favoriser la prévention.
Ceci passe aussi par une meilleure information sur les problèmes vésico-sphinctériens (incontinence et prolapsus) mais il en existe d’autres comme l’hypertonicité périnéale.
Marie-José Duque-Ribeiro
Kinésithérapeute spécialisée en Pelvi-Périnéologie
Paris, Gentilly, Arcueil.
Master II Biologie intégrée du mouvement et du muscle
Diplôme Universitaire de Sport et Santé
Attestation Universitaire en kinésithérapie du sport
Crédit photos – Depositphotos
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