Les blessures qui touchent les athlètes sont souvent des blessures liées à une surcharge d’entraînement. La programmation de l’entraînement est alors une des clés de la guérison et de la prévention. L’agencement des séances en fonction des dominantes choisies, l’intégration de périodes de travail allégé, tout ceci est parfaitement connu des coaches.
Néanmoins se préoccuper de la charge mécanique n’est pas encore une évidence. Reprendre l’entraînement après une blessure se fait généralement de manière progressive, ainsi le stress mécanique augmente de la même manière.
Pourtant il est possible de programmer l’augmentation de la charge mécanique indépendamment du stress physiologique, c’est ce que nous montre l’article de Turner et Collaborateurs (1)
On sait que l’exercice physique notamment avant la puberté permet de stimuler la croissance et donc la solidité osseuse. Une augmentation de la densité minérale osseuse de 2% peut signifier une augmentation très importante de la résistance de l’os (environ 20 %) (2). Une recherche menée auprès de 105 joueuses de tennis et de squash de haut niveau a montré une densité osseuse plus importante du bras dominant par rapport à l’autre (de 2 à 4 fois plus). Ceci n’étant retrouvé que chez les jeunes filles ayant commencé la compétition tôt (3).
Il existe aussi une variation de densité osseuse selon la fréquence et l’intensité des sollicitations. Ainsi Snow (4), et collaborateurs ont montré une diminution de la densité osseuse après la coupure entre deux saisons par rapport à celle mesurée en cours de saison (Colonne vertébrale et hanche chez des gymnastes). Ces résultats ont aussi été retrouvés chez le tennisman. On peut donc penser qu’après la mise au repos voire en décharge d’une fracture de fatigue, il doit en être de même. Ne pas en tenir compte est la meilleure façon de préparer la récidive.
Comment stimuler la structure osseuse.
Chacun d’entre nous sait solliciter le système musculaire, par contre nous sommes plus démunis face au système ostéo-articulaire.
La littérature scientifique nous livre quelques pistes :
Hert (5) a montré au début des années 70 que la sollicitation devait être discontinue. L’application d’une contrainte continue semble provoquer une habituation qui stoppe la création de substance osseuse.
Une autre série d’observation (6, 7), indique que l’augmentation de la fréquence d’application améliore l’efficacité de la stimulation, nécessitant ainsi moins de charge pour un effet identique.
Il est important de savoir que l’augmentation de la durée d’application de la charge n’apporte pas d’amélioration. Ainsi l’os perd sa sensibilité à la charge après seulement 20 cycles de sollicitations. L’indice d’ostéogénèse (fabrication de substance osseuse) augmente de 50% si l’on fait deux séances plutôt qu’une pour un même nombre de sauts. Par contre le faire en trois séances n’apporte rien de plus.
Si l’on se place sur une semaine il vaut mieux diviser la charge globale en rajoutant des séances plutôt qu’en faisant une ou deux grosses séances (1)
Quels sont les exercices à utiliser ?
Une étude de 2008 (8) publiée dans le journal « Ostéoporos » propose un chiffrage de divers exercices utilisables en pratique quotidienne.
L’intensité de la sollicitation est le produit de la réaction au sol, multiplié par la fréquence d’exécution. La marche a un taux de 10,1, la course à allure de footing préférée de 121,9, le squat-jump de 216,6, le squat jump groupé de 376,8 alors que taper très vite des pieds monte à 2178,6.
En conclusion :
Connaître le degré de sollicitation des exercices proposés permet donc de bâtir une progression. Cela sera primordial lors d’une reprise après blessure, mais aussi pour planifier la charge mécanique comme l’on peut peut le faire de la charge d’entraînement classique.
Ainsi on utilisera une sollicitation discontinue (sauts, sautillements, ou simplement course), en faisant peu de répétitions (10 à 20), avec une fréquence d’exécution élevée, que l’on fractionnera en deux séances par jour.
On préférera faire 2 séances par jour, 5 jours par semaine, plutôt que deux grosses séances par semaine. Ce travail sera ensuite à moduler en fonction de ce qui sera fait lors de l’entraînement classique. Lors d’une semaine avec beaucoup de kilomètres, la sollicitation mécanique sera apportée par ce travail habituel. Par contre lors des coupures, maintenir un niveau de stress mécanique est une bonne décision, particulièrement lorsque les athlètes coupent complètement ou font un sport porté (vélo, natation…)
Merci à Blaise Dubois de la clinique du coureur de m’avoir sensibilisé à cet aspect de la prévention des blessures.
Serge Olivares
Entraîneur de demi-fond et kinésithérapeute
Membre du bureau Directeur de l’AEIFA
(Association des Entraineurs d’Ile de France d’Athlétisme)
Pour adhérer à notre association ou avoir des renseignements, une seule adresse :
AEIFA, 16 rue Vincent Compoint 75018 PARIS
Courriel : aeifa@aeifa.com Internet : www.aeifa.com
(1) Designing Exercise Regimens to Increase Bone Strength
Charles H. Turner1 and Alexander G. Robling2
Departments of 1Orthopaedic Surgery and 2Anatomy & Cell Biology, Indiana University School of Medicine, Indianapolis, Indiana
Exercise and Sport Sciences Reviews Volume 31 Number 1 January 2003
(2) Robling AG, DB Burr et CH Turner (2001) Recovery periods restore mechanosensitivity to dynamically loaded bone. J Exp Biol 204(Pt 19):3389-407.
(3)Kannus P et al. (1995)
Effect of starting age of physical activity on bone mass in the dominant arm of tennis and squash players.
Ann Intern Med 123:27-31.
(4) Snow, C. M., D. P. Williams, J. LaRiviere, R. K. Fuchs, and T. L.
Robinson. Bone gains and losses follow seasonal training and detraining in gymnasts. Calcif. Tissue Int. 69:7–12, 2001.
(5) Hert, J., M. Lisková, and J. Landa. Reaction of bone to mechanical
stimuli. 1. Continuous and intermittent loading of tibia in rabbit. Folia
Morphol. (Praha). 19:290–300, 1971
(6) Hsieh, Y-F., and C. H. Turner. Effects of loading frequency on mechanically
induced bone formation. J. Bone Miner. Res. 16:918–924, 2001.
(7) Rubin, C., A. S. Turner, S. Bain, C. Mallinckrodt, and K. McLeod. Anabolism. Low mechanical signals strengthen long bones. Nature.
412:603–604, 2001.
(8) B. K. Weeks & B. R. Beck.The BPAQ: a bone-specific physical activity assessment instrument. Osteoporos Int (2008) 19:1567–1577