A QUOI SERVENT LES GRAISSES ? par Denis Riché (2ème partie)
Dans la première partie, on a donc vu que le tissu adipeux, selon qu’il va plus ou moins se développer, peut déclencher une série de catastrophes à distance. Face à ce constat, et devant ces mécanismes qu’on a longtemps suspectés avant d’en démontrer la réalité, une évidence est apparue aux yeux des scientifiques. Il faut éviter la prolifération du tissu adipeux. Deux mécanismes peuvent conduire à l’apparition d’une surcharge grasse. La première se nomme l’hyperplasie. C’est l’existence d’un nombre anormalement élevé d’adipocytes. La seconde est l’hypertrophie : c’est son remplissage par les graisses alimentaires ou fabriquées à partir des sucres.
A remplissage équivalent de ses adipocytes, un individu qui possède moins de cellules grasses que la moyenne sera exposé à un moindre risque de surpoids. L’inverse est également vrai : celui qui disposerait d’un nombre d’adipocytes supérieur à la norme courrait un risque accru d’obésité. Et dans ce cas, il n’y a plus de limite théorique au remplissage des adipocytes. Le record actuel est actuellement le triste apanage d’un mexicain qui pèse aujourd’hui près d’une demi-tonne (voir l’encadré 1).
Le consensus existant jusqu’au début de ce siècle était de considérer que, hormis quelques âges clefs, le nombre de cellules adipeuses ne bougeait plus. Autrement dit, celui qui sortait indemnes de ces épisodes à risque de développement adipocytaire, pouvait ensuite s’autoriser davantage d’écarts sans encourir le moindre risque de sanction. Nous avons-nous même évoqué cette idée dans ces colonnes. Or, elle est hélas fausse. Les études se sont multipliées ces dernières années afin de mieux comprendre la part de l’innée, celle de l’acquis et le rôle du « timing » dans cette histoire. Nos idées reçues ont été mises à bas.
ENCADRE 1 : UN CHILI CON CARNE TROP GRAS !
Un Mexicain de 500 kg a demandé une aide médicale pour ne pas succomber à son «obésité morbide», maladie dont il souffre depuis 20 ans, a révélé mardi la chaîne de télévision mexicaine Televisa. Manuel Uribe, 40 ans, n’est pas capable de se déplacer et vit reclus dans sa maison, où sa mère veille sur lui.
«Je ne me laisse pas mourir, j’ai envie de vivre. Mais pour cela, j’ai besoin d’aide, c’est pour cela que je m’adresse à la communauté scientifique», a-t-il déclaré à Televisa.
Jusqu’à l’âge de 22 ans, raconte-t-il, il vivait et travaillait aux États-Unis, il pesait alors 130 kg pour 1 m 94, «puis j’ai grossi sans m’arrêter, je suis devenu obèse très rapidement (…) Je crois que c’est un problème de glandes».
Il affirme être au régime mais continuer de grossir.
Les médecins lui ont proposé de l’opérer pour lui enlever une partie de la graisse, notamment aux jambes. «Je ne peux même plus me peser. Avant, quand je pouvais marcher, on me conduisait à la balance publique, la dernière fois je pesais 380 kg, aujourd’hui je dois peser 500 kg», dit-il.
CA COMMENCE AVANT MOI…
Le tissu adipeux apparaît au cours de la grossesse. Il entame son développement dès le second trimestre de vie intra-utérine, mais se forme pour l’essentiel au cours du 3e trimestre et après la naissance (7). Le développement de ce tissu se produit à partir de cellules précurseurs (les « préadipocytes »), mais reste possible tout au long de la vie adulte. En effet, des préadipocytes près à se différencier ont été retrouvés chez des octogénaires des deux sexes (2). Le développement du tissu adipeux de l’adulte, survenant à la fois par hypertrophie et hyperplasie est aujourd’hui bien documenté. Personne n’est donc potentiellement à l’abri, même si des vulnérabilités individuelles semblent exister. Il s’agit d’un phénomène irréversible ; le nombre d’adipocytes ne diminue jamais. Une partie du problème reste irrémédiable. L’équipe du Canadien Angelo Le Blanc s’est intéressée au devenir d’ex-obèses venus à la course à pied (12). On a effectivement constaté chez d’anciens gros rendus plus svelte par la réalisation de 80 km de jogging par semaine, un taux d’adiposité moyen supérieur à celle de coureur ayant toujours été maigres. Pourtant, ces ex-obèses possèdent des adipocytes moins replis. On pense donc que leur obésité a en partie été consécutive à cette surabondance de cellules adipeuses. Quelle est la part de l’inné, celle de l’acquis ? Quels facteurs alimentaires sont en jeu ? Comment interviennent-ils ? Comment envisager une prévention efficace compte tenu de l’épidémie d’obésité qui menace ?
Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition
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