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A QUOI SERVENT LES GRAISSES ? par Denis Riché (1ère partie)

Même les sportifs les plus maigres d’entre nous possèdent suffisamment de graisses de réserve pour enchaîner plusieurs lectures successives de votre revue favorite sans manger. Grâce à un pannicule adipeux, localisé essentiellement sur le ventre, que d’aucuns considèrent comme une masse inerte plus ou moins inutile. C’est loin d’être le cas.

UN RÉSERVOIR  SANS FOND…

Si nous procédions un rapide sondage auprès d’un échantillon représentatif de sportifs, à la question « A quoi sert le tissu adipeux ? », certaines réponses fournies seraient très prévisibles. Il serait d’abord question d’un isolant mécanique, protégeant les organes vitaux. C’est une évidence dans le monde du rugby : « Je pense qu’il faut un peu de graisse pour protéger les muscles, notait avec justesse Jean Paul Garuet à ce sujet (*). J’ai croisé des piliers un peu sculptés avec une taille de guêpe, poursuivait-il. Pas bon signe, je savais qu’ils allaient faire pschitt ! » Au journaliste qui lui demandait s’il revendiquait la graisse, l’ancien joueur de la première ligne de l’équipe de France lâchait spontanément : « Cà oui ! On est des piliers quand même ! Il faut une couche pour protéger les tendons. Les contacts en première ligne, c’est pas fait pour les mannequins. »

On évoquerait aussi sans doute le réservoir d’énergie, masse inerte, souvent perçue défavorablement car, en alourdissant inutilement le joueur, il affecte sa vitesse de course. Comme le note l’actuel international Olivier Milloud : « on doit garder de la puissance, mais améliorer la vitesse et l’endurance, alors forcément on tape dans le gras. » Le compromis entre légèreté et robustesse est souvent compliqué à trouver : « L’apparence physique, c’est important au coup d’œil, poursuit Milloud, après, il faut voir si le mec résiste au coup de tronche. L’équation mec bedonnant égale mec pas bon ne se vérifie pas. »
De fait, le rugbyman moderne, comme n’importe quel autre sportif de haut niveau en ce début de siècle, est écartelé entre la volonté de posséder un isolant qui le protège et de limiter un poids mort qui le freine. Mais à aucun moment, dans le milieu des profanes, le tissu adipeux n’est vu sous un autre angle.
(*) : « L’Equipe Magazine », 21 juillet 2007.

AVOIR LA BOULE OU AVOIR LES GLANDES ?

Savez-vous quel est l’organe qui, au sein de notre corps produit le plus d’hormones ? Ce ne sont pas les surrénales, ce ne sont pas les ovaires ou les testicules. Il s’agit du tissu adipeux (6). Bien que récente, cette découverte revêt en fait un caractère très spectaculaire, notamment par la diversité et la complexité des molécules qui y sont fabriquées et y circulent. L’origine-même de ces adipocytes et des cellules voisines qui forment ce pannicule est extrêmement troublante.

Comme le rappelle un récent article, l’essentiel du tissu adipeux est composé d’adipocytes, environ les deux tiers du total des cellules présentes, mais on y trouve bien d’autres lignées cellulaires, capables d’exercer une multitude de fonctions et de fabriquer une diversité de molécules pour le moins impressionnantes.

Mais revenons à nos adipocytes. Eux-mêmes possèdent l’aptitude à produire et à libérer diverses molécules qualifiées par les scientifiques de « bioactives ». Leur nature leur fait ressembler fortement à des hormones. Leur origine adipocytaire amène à parler, à leur sujet d’adipokines, un terme qui deviendra de plus en plus courant dans les années à venir. Certaines de ces molécules exercent des actions à distance du tissu adipeux. On pense ainsi à la plus connue d’entre elles, la leptine (découverte en 1994), et dont les effets sur le système nerveux ont été intégralement identifiés ces dernières années (1). D’autres gardent une action plus restreinte, localisée au seul tissu adipeux. Une  telle profusion de sécrétions souligne la richesse de communications entre l’adipocyte et les autres organes. Ces échanges contribuent au contrôle du remodelage et du développement du tissu adipeux, de la prolifération et de la différenciation des futurs adipocytes (ce qu’on nomme les précurseurs adipocytaires), ainsi que l’angiogénèse.

Le classement des adipokines et des autres productions du tissu adipeux selon leurs rôles fonctionnels permet de distinguer des grandes familles de molécules affectant divers processus. Une première série peut agir sur le métabolisme des sucres et des graisses. On trouve parmi celles-ci des molécules dont les noms devraient nous devenir très familiers : leptine, adiponectine, résistine, visfatine. Il s’agit aussi, curieusement, des « interleukines » 6 et 10. Ces dernières sont des messagers du système immunitaire et de l’inflammation, et leur présence dans cette liste peut surprendre. Mais en fait, elles peuvent influencer l’orientation du métabolisme et la facilité à mobiliser ou stocker les graisses. Le tissu adipeux a l’aptitude à fabriquer ces messagers du système immunitaire et, inversement, à réagir à des cytokines périphériques, ce qui peut conduire, par exemple, à des situations de résistance à l’amaigrissement en cas d’inflammation (3).
Il est par exemple admis que l’accroissement du tissu adipeux de l’obèse conduit à un déséquilibre dans la production et la sécrétion de molécules anti et pro-inflammoires, en faveur de ces derniers (11) (*).
Une seconde série règle l’appétit et la régulation de la balance énergétique. Ces molécules donnent en quelque sorte du poids à l’hypothèse du « lipostat ». Rappelons que ce concept suggère que la prise alimentaire pourrait être modulée par le statut du tissu adipeux. Cette modulation reposerait sur des phénomènes allant au-delà du simple aspect énergétique que représente le niveau de remplissage des adipocytes. Quelles sont ces molécules issues du tissu adipeux, capables de modifier notre prise alimentaire ? La plus connue est la leptine, déjà citée ci-dessus. C’est une hormone anorexigène, dont la libération dans l’organisme a pour effet d’interrompre la prise alimentaire. Son intervention limite donc le risque de surpoids, ce que suggère d’ailleurs son nom (qui vient du grec « leptos », qui signifie « maigre »).

Une troisième série jour un rôle tout à fait insoupçonné par une large part du public : Elles participent à l’immunité. Une kyrielle d’acteurs impliqué  dans nos défenses se trouvent ainsi dans ce tissu, bien plus que dans la plupart des autres : IL-6, IL-10, TNF-α (Tumor Necrosis Factor), ces notions pouvant permettre de mieux comprendre pourquoi le surpoids majore les problèmes d’arthrose (y compris au niveau des mains), de cancer ou de maladies cardio-vasculaires. Dans ces situations, ce n’est pas tant la  surcharge de kilos que les acteurs de l’inflammation qui sont à accuser.

Une quatrième série vient moduler la sensibilité à l’insuline. Cette particularité explique pourquoi le tissu adipeux constitue un acteur déterminant dans l’instauration du « syndrome métabolique », entité clinique complexe déjà évoquée  dans ces colonnes (voir « Sport & Vie » n° ) (8, 16). Enfin une dernière série de molécules activent l’angiogénèse (la formation des vaisseaux), et la pression artérielle. Bref, on le comprend, le tissu adipeux constitue une glande qui vient mettre son grain de sel dans un nombre incroyablement important de processus et possède de ce fait un pouvoir de nuisance extrêmement élevé. Est-ce irréversible ?

(*) : Certains travaux récents soulignent qu’en situation inflammatoire aigüe, des ajustements métaboliques se produisent. Certains d’entre eux s’accompagnent d’une surconsommation du tryptophane, ce qui va abaisser la synthèse de la sérotonine (4). Or, cette molécule joue un rôle essentiel dans le contrôle du comportement alimentaire. Aussi, au stade inflammatoire de l’obésité, des prises d’aliments sucrés, à caractère addictif, se produisent et accentuent le surpoids, ce qui provoque un véritable cercle vicieux.

Portrait Denis Riche 4

Denis Riché
Doctorat en nutrition humaine et
Spécialiste français de la micronutrition

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